Dans les cuisines du Québec, on jase de printemps hâtif et de réservation de terrain de camping. À la suite du dévoilement du budget provincial, le gouvernement nous invite à continuer de jaser camping : les compressions budgétaires sont reportées à 2023. Autrement dit, les décisions concernant les sacrifices budgétaires et les mesures les plus susceptibles d’enfoncer ou de rétablir les inégalités sociales au Québec sont repoussées après les élections. Or, nous voulons avoir la conversation dès maintenant: qui paiera la note?
La pandémie a gravement creusé les inégalités économiques et a défavorisé les moins aisés. Parmi eux, elle a affecté démesurément les femmes, les communautés racisées et les personnes marginalisées. Or, de plus en plus de voix se font entendre pour que les ultra-riches paient leur juste part de la relance économique afin de financer la lutte aux inégalités. Que ce soit un impôt sur la richesse extrême, sur les bénéfices excessifs réalisés par les grandes entreprises pendant la pandémie ou sur les successions, le Québec ne semble pas étudier ces options déjà mises en place dans plusieurs pays.
Cette conversation est pourtant bien amorcée ailleurs au Canada. Le gouvernement fédéral s’est engagé à trouver des moyens de taxer l'extrême inégalité des richesses. De son côté, la Colombie-Britannique a déjà mis en place des taxes sur les produits de luxe et l’immobilier. Il est temps pour le gouvernement du Québec de se joindre à la discussion.
Le mouvement en faveur d’une meilleure taxation de la richesse ne peut plus être ignoré. À l’instar de milliardaires américains comme Warren Buffet, Abigail Disney ou Bill Gates, la semaine dernière, des Québécois fortunés nous rappelaient qu’ils ont continué de s’enrichir pendant la pandémie et peuvent faire un plus grand effort fiscal. Partout au pays, des économistes, des personnalités d’affaires comme Mitch Garber, des syndicats, des OBNL et des partis politiques travaillent à évaluer les manières de mieux taxer les grandes fortunes. Plusieurs de ces groupes portent des pétitions ayant recueilli l’appui de dizaines de milliers de signataires. Un sondage Abacus démontrait récemment que l’idée d’un impôt sur les richesses extrêmes et sur les profits excessifs réalisés par les grandes entreprises pendant la pandémie rallie une majorité de Canadiens, et ce, dans toutes les régions, dans tous les groupes d'âge, et est largement soutenue par les ménages dans la tranche de revenu la plus élevée.
Le temps presse. En exacerbant les inégalités, la pandémie met en péril des décennies de progrès. Insécurité alimentaire grandissante, désarroi de notre personnel de santé et d’éducation, PME manquant d’oxygène, affaiblissement de la position des femmes sur le marché du travail, manque de place en CPE… la liste de nos reculs collectifs s’allonge à une vitesse alarmante. Ces reculs sont ressentis de façon inégale à travers la population, frappant de plein fouet les populations marginalisées et racisées, qui jouent souvent des rôles essentiels dans la lutte à la pandémie. Face à cet état de fait, une meilleure taxation de la fortune relève de ce « gros bon sens » que le monde politique invoque souvent pour des causes autrement moins fondées.
Un impôt sur les grandes fortunes, ce n’a pas pour but de « punir » les plus riches dans une logique vindicative. Il vise en revanche à se donner les moyens de nos ambitions : de meilleurs soins de santé, une éducation pour tous, une économie verte bénéficiant aux membres les plus vulnérables de notre société. Taxer la richesse, c’est surtout la redistribuer et investir pour prendre soin les uns des autres.
Au gouvernement du Québec, nous disons que mieux taxer la richesse n’est pas seulement la réponse la plus juste, c’est aussi l’une des plus efficaces pour répondre aux défis de l’actuelle pandémie.
Lettre ouverte conjointement signée par les membres de la coalition Tax The Rich qui oeuvrent au Québec:
Canadiens pour une fiscalité équitable
Greenpeace Canada
Institut Broadbent
Oxfam-Québec
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