Dans un monde marqué par de graves violations des droits de la personne, les syndicats sont essentiels

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Malheureusement, ce qui souligne avec le plus de force et d’évidence le rôle essentiel des syndicats ouvriers et des syndicalistes dans les luttes pour les droits de la personne autour du monde, c’est justement les graves abus dont ils souffrent fréquemment, simplement parce qu’ils défendent les droits des travailleurs ou parce qu’ils dirigent d’importants mouvements sociaux afin de répondre à des préoccupations plus larges liées aux droits de la personne.

Dans plusieurs pays, les droits des travailleurs sont cavalièrement violés et négligés de manière quotidienne. Dans des usines, des champs et des mines, hommes, femmes et enfants sont forcés de travailler dans des conditions dangereuses qui sont souvent même une menace pour leur vie. Ils sont forcés de travailler durant de longues heures pour un maigre salaire, et se voient menacés de perdre leur emploi s’ils se plaignent ou demandent des améliorations de leurs conditions. Les chances de réussir à défier cette forme d’exploitation ne sont incontestablement pas en leur faveur. Ils sont confrontés à des forces commerciales et gouvernementales extrêmement puissantes ayant un très fort intérêt à préserver un grand bassin de travailleurs faiblement rémunérés.

Dans ces circonstances souvent désastreuses, la nécessité des syndicats ne pourrait être plus évidente ou pertinente. Les syndicats sont essentiels pour faire contrepoids, ne serait-ce qu’un tout petit peu, à ce déséquilibre des pouvoirs, et pour donner une voix collective plutôt qu’individuelle aux travailleurs afin qu’ils puissent défendre leurs droits et leur bien-être. Cette nécessité est en outre prouvée par la fréquence avec laquelle les efforts des syndicats afin d’organiser les travailleurs, de dénoncer les abus et d’entreprendre diverses formes d’action ouvrière, incluant des grèves, sont confrontés aux menaces, aux sévices et, trop souvent, à la mort.

C’est le cas notamment en Colombie, pays qui, au court des années, s’est vu attribué la triste distinction d’être le pays ayant le plus haut taux de mortalité dans le monde pour les syndicalistes, des douzaines d’entre eux étant tués chaque année. Durant mes nombreuses années passées à militer pour les droits de la personne, j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs syndicalistes de la Colombie, des hommes et des femmes de divers secteurs industriels. Ils ont partagé des histoires désolantes au sujet des conditions de travail exécrables et dangereuses qu’ils cherchent vaillamment à éliminer. Ils ont aussi partagé des histoires concernant ces fois où ils ont été attaqués en raison de leurs efforts, et ont exprimé leur peur que leurs proches ou leurs collègues puissent souffrir en raison de leur activisme.

Cette réalité en est une qu’il faudra examiner avec soin et en profondeur lorsque le premier rapport évaluant les impacts de l’Accord de libre-échange Canada/Colombie sur les droits de la personne sera déposé par le gouvernement en mai.

De telles préoccupations sont universelles. En plus de la Colombie, et dans les derniers jours seulement, Amnistie internationale a publié des déclarations et des rapports exprimant des inquiétudes au sujet des menaces, de la violence, des restrictions et de la discrimination dont sont victimes les syndicalistes de la Biélorussie, du Guatemala, de la Turquie et de la Serbie.

Le courage, la détermination et le leadership des syndicalistes est loin d’être limité à ces luttes essentielles pour défendre les droits des travailleurs. Partout à travers le monde, les syndicats sont à l’avant-plan de campagnes plus vastes visant à promouvoir la justice sociale, à dénoncer les inégalités, et à exiger une meilleure protection des droits de la personne pour toute la société. Je l’ai vu lorsque j’étais sur le terrain en Amérique latine et en Afrique pour étudier les violations des droits de la personne. La volonté des syndicats de soutenir à leur propre risque les personnes et les communautés marginalisées apportent à ces dernières une solidarité et une protection grandement nécessaire pour mener leurs batailles.

Et bien sûr nous voyons aussi cela au Canada. De nombreux syndicats canadiens font partie des grandes campagnes visant à protéger les droits des Autochtones; à demander des lois et des politiques plus justes pour les réfugiés et les immigrants; et à s’assurer que le Canada préserve un espace ouvert et robuste pour le militantisme et la dissidence. Ils prennent part à ces campagnes parce qu’ils savent que tous les droits de la personne sont inter-reliés. Leur engagement est d’une valeur incommensurable.

Par exemple, devant le large éventail de mesures gouvernementales punitives qui ont ciblé les groupes de la société civile impliqués dans diverses activités militantes liées aux droits fondamentaux de la personne et aux enjeux environnementaux (incluant l’égalité des femmes, l’impact des sables bitumineux et des projets miniers, et les droits des Palestiniens), les syndicats se sont battus côte à côte avec les groupes et les communautés qui ont absorbé les coups de plein fouet. Ils ont également fourni un appui (financier, moral et logistique pour les campagnes), aux efforts visant à lutter pour ce qui est bien et juste.

En somme, le mouvement syndical, au Canada et partout dans le monde, joue un rôle central dans la défense de l’ensemble des droits de la personne. Préserver une place pour des syndicats dynamiques n’est pas seulement dans l’intérêt des travailleurs qu’ils représentent. C’est dans l’intérêt de chacun d’entre nous.

Alex Neve et le Secrétaire Général d'Amnistie internationale Canada.

Cet article est une réponse au rapport de l'Institut Broadbent sur le mouvement syndical et la prospérité sociale, « Des communautés syndiquées, des communautés en santé ».

Photo : Brooke Anderson. Utilisée sous une licence Creative Commons BY 2.0.